La Vie Moderne


LA VIE MODERNE


Réalisé par Raymond Depardon




Dernier opus d’une trilogie documentaire sur le monde rural, profils paysans, débutée il y a presque 10 ans, La vie moderne offre un tableau mélancolique de cette campagne qui nous est – pour beaucoup - devenue étrangère.

Le temps a passé, certaines choses ont changé, des personnes ont disparu, d’autres sont arrivées. Depardon a appris à connaître les gens qu’il filme, il les aime et les images les subliment, transmettent cet amour. Le film est fait de longs plans fixes dont aucun ne provoque l’ennui tant l’image est belle et portée par les sentiments qui s’en dégagent. Si parfois aucune parole n’est prononcée, l’échange en lui même est d’une intensité incroyable. Depardon parvient à filmer les silences, qui se substituent alors aux voix pour dévoiler l'âme des gens. Face à ce silence, le cinéaste interroge merveilleusement bien et les réponses comme l’absence de celles ci, sont toujours chargées d’émotions.

C’est une profonde mélancolie qui se dégage de ce film, une extrême tendresse. A aucun moment on est tenté de rire de ce monde qui nous est si éloigné, on a de la peine, on esquisse un sourire, on est ému par ce monde voué à disparaître.

A la sortie, c’est tout une série d’images qui nous restent en tête. Celle de cet enfant qui n’aime pas l’école parce que « c’est trop dur » et qui veut faire « comme son papa », agriculteur, ce dernier lui répondant que son métier n’existera bientôt plus. L’image de cette vache qui meurt et de son propriétaire qui est terrassé, qui semble mourir un peu en même temps que son animal. Cet homme sur son tracteur, agriculteur parce que ses parents l’on décidé, parce qu’il était le dernier fils et qu’il fallait bien quelqu’un pour « reprendre » l’affaire familiale. Ou encore cette femme qui se trouve obligée de vendre ses chèvres parce que ça lui fend le cœur de les voir subir le froid de l’hiver, la grange n’ayant plus de toit à proprement parler et elle et son mari pas les moyens de la rénover. Elle sait qu’elle ne pourra sûrement pas en acheter de nouveau par la suite, elle sait que c’est la fin, que son rêve de vivre pleinement dans la ruralité ne se réalisera plus. Autant de portraits, d’histoires qui nous touchent profondément quand bien même nous ne pourrions nous même jamais être confrontés à de telles situations.

Le sentiment d'isolement, de la précarité accrue, de la fin inéluctable de ce monde à l’écart du bruit et de la fureur de la ville nous touche avec une profondeur que l’on n’aurait pas soupçonnée en entrant dans la salle de cinéma.

Finalement, la caméra s’éloigne sur le chemin, on dit adieu à toutes ces personnes que l’on a aimées à travers le regard de Depardon, un détachement difficile s’opère, un monde disparaît.


Sonia Déchamps

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