L'Échange


L’ÉCHANGE


Réalisé par Clint Eastwood
Écrit par J. Michael Straczynski




« Je vais voir un bon film. » Quiconque a pris du plaisir à voir Million Dollar Baby, Impitoyable, Lettres d’Iwo Jima ou Mémoires de nos pères (je suis de cette catégorie !) sait qu’en allant voir un film de Clint Eastwood réalisateur, au pire on n’aura pas perdu le prix de son billet, au mieux on en ressortira avec des étoiles dans les yeux et les tripes sérieusement ébranlées. Aussi la crainte d’être déçu, en allant voir l’histoire de ce drame humain filmé par un grand dramaturge, ne m’a pas (ou très peu) effleuré.

Durant les premières minutes, c’est l’aspect film d’époque (fin des années 20) qui ressort, avec le soin apporté à la reconstitution tant sur le fond que sur la forme, paradoxalement beaucoup plus classique (et ce n’est pas un gros mot) que ses précédents films en noir et blanc. On est ainsi doucement porté jusqu’à l’élément déclencheur de l’intrigue : la disparition (où est l’enfant ? Est-il sain et sauf ?), suivi par la restitution de l’enfant par la police, mais que la mère ne reconnaît pas. Où l’histoire s’enchaîne et deux pôles apparaissent : le LAPD (la police de Los Angeles) de l’époque, corrompu et prêt à tout pour réduire au silence (voire pire) ceux qui veulent dénoncer (activement) ou démontrer (passivement) sa corruption ; et en face ces fameuses personnes, militants (John Malkovich, qui réinvente le « flegme engagé ») ou victimes.
Ou plutôt victime sans « s », car Angelina Jolie, magistrale, passe par toutes les émotions et démontre, si besoin était, qu’elle est plus qu’un pot de miel pour paparazzi et qu’elle sait aussi bien émouvoir et faire réfléchir que divertir . Sous nos yeux se déroule le double combat d’une mère, pour retrouver son fils et pour refuser celui qu’on lui impose, avec une force et une persévérance telle qu’on n’a qu’une envie c’est de paraphraser Louis XIV : « Qu’il est doux d'être aimé de vous ». Cette force intérieure est l’autre enjeu du film, car au vu de ce qu’elle endure, on est autant pris de compassion et de respect pour elle (l’actrice pour nous le faire ressentir et son personnage pour l’avoir enduré) que d’effarement devant l’attitude des responsables de police, dont la certitude de leur bon droit et de leur toute-puissance confine à la candeur.
Au final, un vibrant plaidoyer contre ce que chacun pense ne pas pouvoir exister et qui malheureusement existe (à plusieurs niveaux, et on ne peut en dire plus sans faire de spoiler ) doublé d’une formidable leçon de vie qui, je me répète, vous prend aux tripes et tirerait des larmes à un chêne séculaire (de fait, l’ensemble de la salle a consommé beaucoup de mouchoirs à la fin de la séance et je confesse y avoir joué ma partie…). J’étais venu voir un bon film et grâce à vous, Mr Eastwood, j’ai vécu un grand moment de cinéma.

Cyril Schalkens

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