Les enfants sont partis


LES ENFANTS SONT PARTIS


Réalisé par Daniel Burman




Daniel Burman, jeune cinéaste de la nouvelle vague argentine, dresse le portrait de Leonardo, personnage qui se situe à une période délicate de sa vie : celle du moment où ses enfants, devenus adultes, quittent le nid familial. Si ce cinéaste avait fait de la famille le thème de prédilection se son œuvre, jamais il ne s’était encore intéressé à cette crise de la cinquantaine qu’il dépeint ici avec un réalisme teinté de poésie.

Leonardo est dramaturge, et lorsqu’il est confronté pour la première fois de sa vie au lit vide de Julia, sa fille cadette qui n’est toujours pas rentrée dormir, il est inspiré et commence à écrire l’histoire d’un homme et d’une femme qui flottent sur l’eau. La clef de cette image poétique ne nous sera donnée que plus tard. Pour l’heure une ellipse temporelle nous amène au moment où Julia quitte définitivement l’appartement pour s’installer en Israël avec son ami alors que Leonardo reste chez lui, n’ayant même pas voulu l’accompagner jusqu’à l’aéroport. Sa femme Martha n’a quand à elle pas décidé de s’emmurer dans la solitude et renoue avec des cours de sociologie qu’elle avait abandonné pour s’occuper de ses enfants. Le portrait de Leonardo se dessine déjà ici, en contraste avec celui de sa femme. Désormais ses rêves et ses fantasmes se superposent à la réalité afin d’exprimer les interrogations de ce personnage en quête de lui-même.

La mise en scène subtile de Burman permet cet entremêlement, notamment par l’usage du gros plan, propice à capter l’intériorité du personnage. Une forte présence d’un musique jazz permet également d’illustrer les errances de cet homme naviguant entre l’envie de retrouver un passé plus heureux et l’espoir de trouver de la joie et du plaisir dans ce que sera dorénavant son quotidien. Des rencontres fortuites vont l’aider à donner une réponse à ses doutes. Un chercheur qui s’intéresse aux fantasmes que l’on transforme en souvenir lui explique ainsi que l’on a vraiment l’impression d’avoir vécu des événements imaginés, une manière de prolonger la réflexion sur les regrets que l’on peut avoir après tant d’années de la vie écoulées. D’autre part une jeune dentiste représente la cristallisation de tous ces désirs mais est surtout présente pour lui rappeler combien il aime sa femme et comment l’absence de ses enfants va peut-être devenir un moyen d’agrandir sa complicité avec elle. Le tourbillon de sentiments qui assaille le protagoniste est donc exprimé avec justesse, en faisant s’insinuer dans le quotidien des événements à teneur métaphysique. Ils font évoluer le personnage mais également réfléchir le spectateur. L’imaginaire mêlé au réel élargit la portée du film qui ne s’adresse pas seulement aux quinquagénaires redoutant le jour du départ de leurs enfants mais à tout membre d’une famille. C’est de la force du lien familial dont il est aussi question ici, indestructible malgré la fuite du temps.

Dorothée Jouan

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