My magic

MY MAGIC

D'Eric Khoo
Écrit par Eric Khoo et Wong Kim Hoh




Mélodrame touchant, où dans un univers sordide mais empli de magie un fils apprend à admirer son père.

On est dans My magic comme dans une bulle, dans un univers clos et intemporel, où l'on ne reconnaît pas la mégalopole singapourienne aperçu seulement à travers les ruelles encombrées de quartiers promis à la disparition – bien loin des immenses grattes-ciel auxquels on l'associe d'ordinaire. On s'infiltre, par reptation, dans un univers proche des corps, très proche des corps, surtout de celui de l'interprète principal (Francis Bosco), vrai magicien dans la vrai vie, magicien alcoolique (Francis), énorme, irresponsable dans le film. La première séquence donne le ton : on le voit avaler coups sur coups une quantité impressionnante de verres d'alcool, puis le verre lui-même, préalablement mastiqué. Il rentre beurré, bien sûr, et l'énorme corps en sueur s'écroule sur le sol. C'est son fils (Jathishweran Naidu) qui devra nettoyer le sol maculé de vomi en soulevant avec dégoût la tignasse noire du père.

Le fils se demande où est passé sa mère, et pleure sa grand-mère sans doute récemment disparu. Il table sur la réussite scolaire pour s'éloigner du modèle paternel, auquel il finira par crier douloureusement son mépris.

Du coup l'ex-magicien, après avoir essayé de monnayer ses sabres, se résout à redevenir fakir, et à faire subir des tortures de plus en plus violentes à son corps pour des sommes de plus en plus importantes. Tout cela sous les yeux avides d'un obscure gangster excité... Et du public, qui profite des séquences non-truquées mais placées sous le signe de la mise en scène : lumière jaune des torches et des flammes crachées ou avalées, sueur du corps, graffitis aux murs sur lesquels se meuvent des ombres inquiétantes, yeux brillants des spectateurs, très gros plans sur le corps percé, transpercé. « Je voulais quelque chose de brut et de réaliste, avec le moins d'artifice possible » affirme le réalisateur.

Francis ramenant enfin de l'argent, la relation avec son fils s'améliore : jusque-là la communication était nulle, le fils allant sur la tombe de sa grand-mère pour lui confier sa douleur, Francis appelant sa femme avec un téléphone dont la ligne est coupée. Mais le contact s'établit toujours par un intermédiaire : le corps du père que le garçon découvre mutilé, la photo que l'enfant doit aller chercher au fond d'une malle pour qu'enfin son père dévoile le mystère entourant sa femme absente. Le père transmet tout de même un rudiment de magie, qui protègera son fils lorsque ses camarades décideront de le passer à tabac.

Entre magie réelle et magie numérique (la dernière séquence), entre incommunicabilité et amour filial, Khoo signe un mélodrame merveilleux où la réalité (argent et douleur) hante les personnages et par contrecoup le spectateur.

Piera Simon

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