Réédition : Duel au soleil


DUEL AU SOLEIL


Réalisé par King Vidor
Écrit par David O. Selznick





Western tragique au souffle de grande fresque épique, descendant direct d'Autant en emporte le vent, Duel au soleil relate l'histoire de Pearl (Jennifer Jones), tiraillée entre deux frères : Lewt (Gregory Peck) et Jesse (Joseph Cotten).

Une première image rougeoyante d'une terre aride et sauvage, la voix-over de Welles, et le film est d'emblée hissé jusqu'à la légende. On voit déjà poindre l'ambition d'un Selznick, qui sept ans après avoir orchestré la chute du monde Sudiste, s'attaque cette fois-ci à celle de l'empire des grands ranchers texans face à l'avancée impitoyable du progrès : le chemin de fer. Les plans d'ensemble où déferlent les cow-boys, quoiqu'à couper le souffle, n'auront qu'à bien se tenir face à l'irruption du train. Et le propre fils du grand propriétaire terrien, Jesse, reniera ses origines en passant de l'autre côté de la barrière (la frontière en miniature, séparation entre sauvage et civilisé, entre solitude des grands espaces et la vie urbaine, il n'y a qu'à voir n'importe quel film de Ford). Le vieux sera condamner à contempler un coucher de soleil rougeoyant en regrettant la fin d'un monde et la défection d'un fils : on pense, par contraste, à la volonté de fer de Scarlett O'Hara dont la silhouette se découpait déjà sur un coucher de soleil alors que le monde où elle avait grandi s'écroulait.

Cette opposition entre progrès et attachement à des valeurs en perdition se cristallise aussi autour des personnages des deux frères. Lewt se croit au-dessus des lois et les transgresse, Jesse les étudie.

Pearl, elle, hésite entre les deux frères, et malgré la promesse faite à son père de bien se tenir, elle cédera à Lewt et à l'hérédité. C'est la même passion qui a conduit le père à devoir s'arracher des bras de sa fille pour rejoindre dans le hors-champ une corde justicière, dont nous ne voyons que l'ombre rouge et menaçante. C'est la même passion qui faisait virevolter les jupes de la mère, dans un saloon empli de monde, de débauche et de bruit, le travelling latéral suivant les jambes dénudées sur le comptoir, jusqu'au baiser illégitime et fatal, à l'origine du meurtre commis par l'époux bafoué.

Pearl ne pourra pas résister aux avances brutales de Lewt, brutales presque comme un viol, mais l'ellipse nous sauve, quoique. Ce que l'on voit surtout, c'est son regard de bête traquée, jalouse, amoureuse, vengeresse; vengeresse au point de tuer l'homme qui la tue, par amour, dans un sanglant face à face final où le montage alterné n'a jamais été si supplié d'en finir, c'est tragique parce que ni avec toi ni sans toi, mais ça entre dans la légende, comme la peau de serpent de Brando, ou le regard brillant de Magnani dans The fugitive kind (Lumett), comme Heston et J. Jones, encore chez Vidor, dans Ruby Gentry.

Piera Simon

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