Gran Torino


"WHAT THE HELL DOES EVERYBODY WANT WITH MY GRAN TORINO ?
"

Gran Torino

Écrit et réalisé par Clint Eastwood




Si jamais l’on vous parle d’un Ford 1972, il est probable que vous répondiez : « Aaaaah…d’accord… » ; et si jamais l’on évoque une Gran Torino, et bien c’est la voiture dans laquelle Clint Eastwood nous emmène dans son dernier film, aux frontières de la rédemption et du pardon de ses propres péchés. D’ailleurs tout le film est placé sous un seul mot d’ordre : la confession.

Pour cela, il s’offre tout d’abord un splendide contre-emploi : si les débats sur ses convictions sont légions, il est de notoriété publique que l’interprète d’Impitoyable est sans ambiguïté opposé à toute forme de racisme. Or ici, il interprète un homme ayant été à ce point marqué par la guerre et son lot de souffrances, subies comme infligées, qu’il s’est forgé une carapace d’agacement (c’est un euphémisme) envers la société en général et les Américains immigrés en particulier. En temps normal, le visage de Clint Eastwood semble taillé dans un bloc de granit, ici il évoque plus un travail au burin. Son âme n’est pas plus engageante de prime abord, à tel point que sa famille (qui est certes le prototype de la famille américaine moyenne superficielle) s’est détournée de lui et (en apparence) il ne s’en porte pas plus mal.

Jusqu’à ce que la société le rattrape, et qu’il soit confronté à ce qu’il abhorre : l’étranger. Une famille hmong qui s’installe près de chez lui à son grand déplaisir… mais qui constituera son médium pour renouer avec le monde extérieur par autre chose que des borborygmes. En effet, cela n’a rien d’une évidence pour « Wally » (non, pas le robot…) : cette famille de « faces de citron » se révélera attachante, et s’attachera elle–même à lui… Les gangs tiennent le quartier. C’est un fait. Mais quand c’est jusque sur sa pelouse (sur laquelle personne n’a intérêt de marcher) que la loi de la violence arrive, le grincheux passif cèdera la place à l’homme qui agit pour protéger des gens qui sont « plus proches de (lui) que (sa) putain de famille de salauds » (transcription non contractuelle…). Le corps vieillissant eastwoodien, qui portait encore en lui les stigmates de la Guerre de Corée, va ainsi réussir à refermer ses blessures de guerre. Pour cela, la mise en scène eastwoodienne se sert d’un jeu de miroirs, et à chaque fois que Walt Kowalski (Eastwood) apparaît devant un miroir, c’est une manière de nous montrer son évolution. Le miroir s’avère être ici bien plus un reflet de l’âme que de l’apparence.

Toute la puissance du film réside en tout cas dans l’alternance des contrastes, celui entre deux mondes a priori contradictoires, mais finalement complémentaires, et celui entre l’humour et la violence, entre la méchanceté et la générosité, car le monde eastwoodien ne saurait être ni tout blanc ni tout noir. Bien sûr la façon de narrer eastwoodienne, elle, reste classique. Structure en boucle, le film débute sur un enterrement et s’achève sur un autre. Fin spirituel qui prend des allures de sacrifice christique. La rumeur a apporté sur ses ailes la funeste nouvelle selon laquelle ce film constitue la dernière pierre qu’apportera jamais Clint Eastwood à son édifice cinématographique d’acteur. S’il en est effectivement ainsi, alors saluons la dernière apparition devant la caméra de ce monument, et entendons-nous pour dire que le voyage ne fut pas déplaisant. Mais même si Eastwood part tel le Christ dans ce film, l’éternel adieu peut aussi laisser place à une prochaine résurrection...

Cyril Schalkens & Magdalena Krzaczynski

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