Morse


MORSE


Réalisé par Tomas Alfredson




A l’heure où les filles s’extasient terriblement à la vue de Robert Pattinson, Guillermo Del Toro préfère aller voir Morse et le qualifier de « film le plus poétique et obsédant qui soit. » Morse, film sur la blessure, drame fantastique, est une merveille marginale, qui traite sans complaisance de la rencontre de deux êtres solitaires en mal de vivre.

Sur la pellicule, la neige ou les cendres s’avilissent. La voix d’Oskar s’élève : « Crie. Crie comme une grosse truie. » Il faut rire ou ravaler un choc ; la réplique, en tout cas, déséquilibre. Ce n’est que le début et déjà le malaise est là et intrigue. Dans la banlieue funèbre de Stockholm, un homme égorge. Oskar, lui, est un adolescent fragile qui se fait quotidiennement agresser par les autres. Dans la cour, au milieu de la neige, il décharge sa colère et fantasme de châtiment, à l’aide d’un couteau. Eli est la fille de l’égorgeur et se nourrit au sang. Morse, pourtant, n’est pas un film de vampires et privilégie l’émotion à l’état brut tant dans la forme que dans le fond. Quasi muet, Morse frappe un grand coup ; le contraste vivant entre Oskar, pureté virginale et la souillure bestiale qu’évoque Eli met tristement en évidence une ville sans lumière, enlisée dans la neige et la Dépression, où les habitants clos – et le père d’Oskar – trouvent refuge dans l’alcoolisme. Alfredson, contre le « chantage d’émotion », montre avec honnêteté la cruauté et la vulnérabilité de l’enfance, la nécessité vitale et presque universelle d’être soutenu dans un monde douloureux. Alfredson, amateur d’humour noir – la fuite de l’égorgeur ou l’agression des chats font grincer les dents –, évite toute forme de « sentimentalisme » et favorise plutôt l’apesanteur grave, l’esthétique lumineuse et froide, les silences (Oskar et Eli communiquent en utilisant un code morse) et les regards puissants. En définitive, le film traite de la fin brutale d’une innocence, se balance entre l’amour et la mort et s’achève sur une vendetta sanguine déconcertante. Grand prix du festival Gérardmer, Morse, implacablement beau, touche et affecte.

Roseline Tran

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