Synecdoche New York


SYNECDOCHE NEW YORK


réalisé par Charlie Kaufman
avec Phillip Seymour Hoffman, Samantha Norton, Michelle Williams




Charlie Kaufman, scénariste incontestable des brillants Eternal sunshine of the spotless mind et Dans la peau de John Malkovich (entre autres), réalise un premier film personnel et troublant, qu’il écrit pendant deux ans. Synecdoche New York traite de la négativité de la vie dans son sens le plus profond ; de la réflexion sur une réalité faussée au nihilisme extrême, Kaufman franchit le pas et offre un spectacle d’abîme rare, servi par un Philip Seymour Hoffman au sommet.

Caden Cotard est l’incarnation du malheur. L’homme est dramaturge et sa vie est un drame. L’homme respire, pourtant il est déjà mort. Mal-être, tel est le mot. Toutefois, Synecdoche New York n’est pas un film abruti par le néant. Kaufman signe un film riche de son talent scénaristique. Entre labyrinthes et mises en abîme, il maitrise totalement l’art de se poser entre le rêve et la réalité, le fictif et le réel. Synecdoche New York est une hallucination qui étonne. Caden (Phillip Seymour Hoffman) entreprend de tracer sa vie dans une gigantesque pièce de théâtre jusqu’au point de non-retour où finalement, la fiction dépasse la réalité Kaufman tire les ficelles d’une mise en scène unique où l’onirisme est un fil rouge – ce qui est rêve est en fait, réel. Synecdoche…, est filmé en intérieurs claustrophobiques, où la vie fait figure d’une gigantesque prison, animée par des êtres absurdes, en perdition avec la réalité ; Caden, lui, s’abstrait totalement quand il s’agit d’écouter, de diriger ou d’aimer. En perpétuel distraction avec la notion du temps, Caden est un rêveur triste, déconnecté du monde qui l’entoure. Phillip Seymour Hoffman incarne avec une sincérité troublée, un hypocondriaque fragile, entouré de femmes qu’il n’ose pas aimer, dont le vibrant personnage de Samantha Norton (Minority Report, Control). Le film est incontestablement déprimant mais, mais, mais, terriblement ingénieux. Intelligent et calibré, Kaufman manipule avec amertume l’étonnement et l’émotion. Le film semble être une satire du chantage aux sentiments qu’est le cinéma. Dénué de tout cliché et de sentimentalisme et doté d’une fantaisie ironique propre à Charlie Kaufman, le film n’est pas rien quand il cite Kafka et Dostoievski. L’excellent Jon Brion y ajoute sa pâte musicale pour donner quelques coups d’éclats à un Synecdoche New York profondément noir, cynique et mélancolique. En outre, le film est définitivement une énigme déroutante calculée en tous points qui désoriente. Kaufman, lui, est un génie surréaliste, qui énerve par tant de brio.

Roseline Tran

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire