Musique : Monsieur Satie


L'HOMME QUI AVAIT UN PETIT PIANO DANS LA TÊTE

Monsieur Satie




« Ils se sentent bien, les rêves dans sa tête. On dirait qu’ils se parlent entre eux, qu’ils s’allongent dans les songes, qu’ils font un pique-nique en écoutant de la musique.»

On connaît tous les Trois Gymnopédies (1888) et les Six Gnossiennes (1890-1891), pourtant Erik Satie est plus méconnu, si ce n’est incompris. Loin de son image de compositeur dilettante et simpliste, Satie est un fantasque, un poète, un rêveur fou, un original mélancolique cachant ses sentiments derrière ses notes et ses titres saugrenus.

A travers Monsieur Satie, l’homme qui avait un petit piano dans la tête, fantaisie pour comédien et pianiste (respectivement François Morel et Frédéric Vaysse-Knitter) en un livre et un cd, Carl Norac propose de découvrir cet étrange personnage au détour de huit histoires illustrées, biographie fabulée et fabuleuse comme aurait pu l’écrire Satie lui-même. Si l’on trouve cet ouvrage au rayon jeunesse (édition Didier Jeunesse), il ne pourrait y avoir de meilleure façon d’approcher l’univers décalé de Satie, à quelque âge que ce soit ; écouter la musique, laisser danser nos yeux sur les pages colorées, il n’en faut pas plus pour goûter avec délectation la poésie et l’humour du compositeur. Tendre, drôle, mélancolique, on aime ce personnage sensible qui, vivant en avance sur son temps, fut parfois en retard sur sa vie, un solitaire qui s’habilla toujours d’élégance et d’esprit par pudeur et modestie. Il finit sa vie seul et pauvre, mais nous laisse une collection d’œuvres d’une tendresse rare qui font toujours frémir.

Morceaux en forme de poire, Croquis et agaceries d’un gros bonhomme en bois, Préludes flasques (pour un chien)… les personnages de ses pièces, poèmes, lettres et chansons (encore plus méconnus que ses morceaux) apparaissent dans les histoires au fil des pages et au courant de la musique. On retrouve la Pauvreté, celle qu’il décrivait comme une « fillette aux grands yeux verts », son parapluie, son chapeau, etc. Le chapitre « l’affaire du baiser », pour n’en citer qu’un, mêle merveilleusement tous les états d’esprit du personnage : rêveur fou avec sa « nuit qui sent le chocolat » (Valse du chocolat aux amandes), amoureux fantasque dans sa déclaration, mais aussi solitaire maladroit et mélancolique (la belle excentrique : valse du mystérieux baiser dans l’œil). Un ravissement pour les oreilles, les yeux et le cœur.

En tournée international, un spectacle des textes de Satie dits par François Morel (et à certaines dates chantés aussi par Juliette) et accompagnés au piano par Alexandre Tharaud, déjà présenté début février à la Cité de la Musique, sera de retour à Paris le 17 juin au Théâtre des Champs Elisées.

Ana Kaschcett

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