Delta


DELTA


Réalisé par Kornél Mundruczo




Jeune réalisateur hongrois, Mundruczo invite avec Delta à une contemplation esthétique des rapports humains dans leur marginalité.

Jeune homme taciturne, Mihail retourne, après la mort de son père, dans un village roumain auprès de sa mère qu’il avait quitté une vingtaine d’années plus tôt, chassé par l’arrivée d’un autre homme dans la vie de celle-ci. Il y rencontre pour la première fois sa sœur, dont il ignorait l’existence. Étranger sur les terres de son enfance, il va s’isoler au bord du Danube pour construire une maison sur pilotis au milieu du delta. Dans un accord muet les liant, il va y vivre avec sa sœur, bâtissant leur maison loin de tous et de tous leurs préjugés. Un amour tacite et platonique va grandir entre le frère et sa sœur. Loin du lugubre de la relation incestueuse, ils semblent éclairés par l’innocence d’une liberté primitive retrouvée. Pour fêter la fin des travaux de leur maison, ils invitent les villageois à partager un repas autour d’un feu, mais ceux-ci, derrière leurs rires amicaux, n’acceptent pas leur relation « contre-nature ».

On pourrait reprocher à Mundruczo un certain manque de substance active dans son propos mais la beauté esthétique des images offre à voir un spectacle de la nature des plus merveilleux. Quelque peu oppressante dans son calme impénétrable, la nature est omniprésente. La lumière incroyablement belle caresse les berges du Danube et les visages des protagonistes, suggérant métaphoriquement leur passion. Certaines séquences sont remarquables de sensibilité dans une esthétique particulièrement soignée, comme la séquence du plantage des trois clous dans la charpente du toit. Cette pureté hypnotisante entraîne une certaine langueur à la limite de la lassitude, que vient trancher l’abrupte séquence finale. Une nuit de violence, terrifiante, qui scelle le destin tragique de ces deux marginaux qui ont été confrontés à la cruauté des hommes face à ce qu’ils ne comprennent pas.

Félix Lajko (également acteur principal), violoniste hongrois reconnu, signe une musique étrange, entremêlée d’extraits de Death and the Maiden de Schubert, qui distancie le spectateur des personnages, faisant ainsi éprouver un curieux mélange de compassion et de malaise. L’expérience laisse songeur, on aimerait pousser plus loin au-delà de cette contemplation. Un réalisateur dont on attendra donc les prochaines œuvres avec curiosité, confirmant ou infirmant un œil photographique sensible et éclairé.

Ana Kaschcett

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