Frost / Nixon

de Ron Howard


A ma gauche, David Frost, animateur de talk-show, voulant accroître toujours d’avantage son audience et entraîner qui le dépasse, au moins en partie ; à ma droite, Richard M. Nixon, président déchu (démissionnaire, mais c’est égal), à la recherche d’une légitimité perdue devant l’Histoire et d’un destin politique qu’il ne veut pas croire totalement éteint. David contre Goliath. Etes-vous prêt pour le combat ? ! ! !

Ceci ressemble certes d’avantage à l’accroche d’un combat de boxe qu’à une description de long-métrage… mais c’est le sentiment qui se dégage lorsque l’on sort de la salle obscure. Plus exactement, on a l’impression d’être sorti d’un film de boxe : certains opus de la série des Rocky suscitent moins l’enthousiasme et l’intérêt pour la confrontation dont il est question. En effet, le fait de voir Frost (Michael Sheen, le remarquable interprète de Tony Blair dans The Queen) en bataille, tout d’abord contre l’establishment audiovisuel de l’époque, dubitatif (plus ou moins à raison !) sur ses capacités de journaliste en général et d’intervieweur en particulier. Nixon, à qui Frank Langella apporte un visage sinon avenant, du moins humain. Car ici Richard Nixon apparaît comme un être solitaire, isolé par les effets de flou de Ron Howard. Pourtant il a derrière lui le soutien de sa femme et de son équipe (Kevin Bacon, remarquable en conseiller principal, dévoué corps et âme à celui qui incarne ses valeurs), apparemment indéfectiblement convaincu du bien-fondé de ses actions mais prisonnier de ses erreurs.

Après le remarquable Nixon d’Oliver Stone (1995), ce film est surtout l’occasion pour Ron Howard de faire la « transition » dit-il, avec la nouvelle ère présidentielle de Barack Obama. La différence avec le film de Stone réside dans le fait qu’il s’intéresse surtout à la carrière de Nixon telle qu’elle est vue à travers le prisme de la télévision. Quand le film commence, l’affaire du Watergate a déjà éclaté, Nixon a déjà démissionné. Les Hommes du Président d’Alan J. Pakula se chargeait déjà de montrer que l’importance de la presse dans la vie quotidienne. Frost/Nixon se charge de montrer à quel point la télévision est incontournable. C’est grâce à celle-ci que Richard Nixon pense redorer son blason et même se représenter de nouveau à la présidence, et c’est finalement par la télévision qu’on arrive à des aveux de l’ancien président des Etats-Unis, ce qui achève de prouver sa toute puissance. Cette réflexion sur l’importance des médias est récurrente dans les films de Ron Howard, mais on retrouve également chez lui une critique de la consommation frénétique, représentée ici à travers cette paire de chaussures « efféminées » que porte Frost. Tout n’est qu’affaire d’argent pour Nixon, l’amour, la politique... Seulement au bout du compte, la figure monolithique de Nixon laisse découvrir un homme inquiet de sa virilité. Le dernier plan qui le laisse avec cette paire de chaussures « sans lacets » achève définitivement de le mettre au tapis.

Magdalena Krzaczynski et Cyril Schalkens


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