Katyń

d’Andrzej Wajda (sortie en Pologne en 2007)


Si Katyń s’ajoute définitivement aux films cultes polonais, c’est parce qu’il conte l’un des drames les plus traumatisants de l’Histoire Polonaise. En 1940 périssent des milliers de militaires, des membres de l’élite polonaise, des universitaires, des artistes : tous sont arrêtés tels des Joseph K, sans aucune raison, et emmenés dans des convois vers Katyń, où ils sont tués à la manière stakhanoviste, l’un après l’autre, d’une balle dans la nuque, par les soviétiques.

Seulement, jusqu’en 1989, année où Gorbatchev se décide à dénoncer cette vérité, le massacre de Katyń était connu pour être un crime nazi.

Sans aucun doute, le cinéma polonais est hanté par son histoire ; Roman Polanski l’a montré avec son Pianiste ; Andrzej Wajda, tout au long de sa filmographie. Ce besoin qu’à Wajda de transmettre à travers ses films une identité nationale polonaise, s’affirme à la mort de son père, mort dans les fosses de Katyń. La mère de Wajda n’a cessé de l’attendre. C’est dans cette mesure que l’on peut dire que Katyń est son projet le plus personnel, dédicacé dès le début « A ses parents ».

La mise en scène de Wajda pose les militaires comme des martyrs. A l’image de la femme qui, croyant trouver le corps de son mari mort, découvre la statue du Christ, sa couronne d’épine sur la tête, Wajda montre le courage des militaires et leur patriotisme incontestable d’une façon presque religieuse. Les dernières images du film mettent en scène la mise à mort de ces militaires, chacun récitant un « Notre Père » avant de mourir. On voit encore une main, tenant un rosaire... Commence alors la musique du Requiem de Krzysztof Penderecki (compositeur dont Kubrick et Friedkin ont utilisé la musique, respectivement dans Shining et L'exorciste), avant de laisser place à un silence religieux.

Wajda filme cette tragédie en épousant à la fois le point de vue des militaires et celui des femmes, qu’elles soient mères, épouses, filles, sœurs. Les plans de foule des hommes condamnés alternent avec les plans des femmes restées seules. Tous attendent. Derrière chacune des épouses se retrouve le même tableau de militaire en arrière-plan ; rime visuelle qui figure l'absence et le manque. Les personnages de Wajda semblent toujours prisonniers d’une sorte de fatalité, et la structure en boucle du film emprisonne définitivement le passé dans le présent : comment continuer à vivre après ce drame ? Le sergent rescapé finit par se suicider, de la même manière qu'un autre sergent, seul rescapé de Kanal (1957) s'engouffrait de nouveau sous terre, se condamnant ainsi à la mort. Dans Katyń, seul l’écriture, ou le dessin, offre un réconfort pour cet étudiant qui souhaite intégrer l’école des Beaux Arts (comme Wajda). Mais plus que tout, l’art permet de laisser une trace de son passage : le carnet du général, remis plus tard à sa femme, fait le lien entre le présent et le passé – de la même manière que le cinéma de Wajda fait le lien entre les générations passées, présentes, et même futures.

Magdalena Krzaczynski



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