Dans la Brume Électrique


DANS LA BRUME ÉLECTRIQUE


Réalisé par Bertrand Tavernier




Suite à la consécration critique et une affiche qui promet monts et merveilles, le dernier film de Bertrand Tavernier laissait présager un retour en grâce. Adapté du roman de James Lee Burke, Dans la brume électrique nous transporte en Nouvelle Orléans pour un polar monotone et plombé par un scénario lénifiant.

Car il est un sujet difficile, une histoire d’attraction/répulsion complexe pour celui, européen, qui désire se voir crier action de l’autre côté de l’atlantique. L’histoire montre que les cinéastes du vieux monde ont la plupart du temps subi l’écueil d’une vision décalée et se sont maintes fois perdus au cœur de cette rencontre improbable. Pourtant grand connaisseur du cinéma américain, Tavernier n’est donc parvenu à concilier ces deux cultures et a noyé son film sur la route du pont qu’il était censé bâtir.

Le film qui relate l’enquête d’un flic taciturne, au corps massif et visage buriné (Tommy Lee Jones) sur la piste d’un kidnappeur a ceci de consternant qu’il multiplie les directions sans jamais les unifier clairement. Le rythme qu’imposent la lente investigation et la démarche claudicante de Dave Robicheaux donne le sentiment que le film s’embourbe dans le bayou qu’il traverse. Epuisée dans sa forme, la construction du récit manque cruellement de soubresauts et cette logique d’action à laquelle le polar est censé faire appel. Et les interventions détachées de la voix off dévoilent à chaque reprise l’idée que le film ne parvient à se situer ni à dépasser son ancrage pesant. De même, la lourdeur des accès de violence semble n’être que des parenthèses improbables au sein de ce village où l’on papote et regarde les choses de loin comme si tout cela n’était promis qu’à l’immobilisme. Le cabotinage de John Goodman et la mine renfrognée de Jones n’y feront rien, Dans la brumé électrique se situe très loin de Fargo ou d’un No Country for Old Men.

Et au lieu de cela, le déroulement du film persiste à accumuler ces scènes d’intérieur qui ne font que refléter la défaite d’une bataille gouvernée par un amiral à des kilomètres des tensions du marécage. Enfin, les délires fantasmagoriques de Robicheaux rejoignant les soldats de la guerre de Sécession achèvent de susciter l’incompréhension pour laisser place à l’agacement. Amputé par son cœur double et l’indiscernabilité de son dispositif, le film finit par lasser, à force de s’être laissé dominé par son évanouissement fantomatique et ses vapeurs mortifères. Un film brumeux certes, mais en aucun cas électrique.

Romain Genissel

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