Wendy & Lucy

WENDY & LUCY

Réalisé par Kelly Reichardt
Avec Michelle Williams




Portée par la vague de l’actuel cinéma américain indépendant, Kelly Reichardt signe avec Wendy&Lucy un joli film, à la fois singulier et plein d’humilité.

Choisissant une courte étape de ce qui aurait pu être un gentil road movie un peu convenu et moralisant, la réalisatrice dépeint subtilement la solitude abyssale d’une jeune Américaine discrètement en marge de la société, interprétée avec une finesse remarquable par Michelle Williams.

On découvre donc Wendy, une jeune femme à l’apparence plutôt ordinaire et discrète. En route pour l’Alaska pour trouver du travail, sans avoir besoin de justifier d’une adresse (d’une identité), elle tombe en panne dans une ville anonyme de l’Oregon. Sans emploi, presque sans famille, la jeune femme est accompagnée par son chien, Lucy, qui est en quelque sorte son foyer, sa bouée dans la société. A la recherche de nourriture pour Lucy, elle se fait piquée en train de voler dans une supérette et à son retour du commissariat, son chien a disparu. Si le film est titré Wendy&Lucy, ce n’est pas anodin, cet épisode montre combien Wendy ne peut exister dans le monde extérieur par elle seule, comme elle est indissociable de Lucy, qui est accueillie et adoptée par tous quand elle-même se heurte au monde extérieur. Elle part donc à sa recherche. Débute une errance qui n’est qu’un point d’orgue à sa fuite désemparée.

Le scénario n’est certes pas follement original, mais il dresse tout de même un portrait assez révélateur d’une part oubliée de la population, composée de marginaux qui vivent et disparaissent sans bruit. L’intérêt du film réside en fait principalement dans sa mise en scène sobre et minimaliste. Kelly Reichardt opte pour un ensemble de cadres fixes, à l’exception de quelques rares plans comme le long travelling dans le chenil, durant lequel on n’attend d’ailleurs qu’une seule chose, qu’il s’arrête et se fixe enfin sur Lucy. La réalisatrice laisse ainsi à plusieurs reprises s’échapper impunément son personnage du cadre, comme le monde extérieur qui jamais n’empêche Wendy de s’évanouir dans les marges invisibles, le hors-champ. Les dialogues aussi se révèlent laconiques et laissent place à un silence qui met en exergue la solitude irrémédiable de la jeune femme, sans outrance ni concession. Seul élément musical de la bande sonore, une mélodie douce et mélancolique chantonnée par Michelle Williams flotte au-dessus de quelques séquences, réminiscence d’un passé inconnu au spectateur, tout comme l’est l’avenir de la protagoniste, dont le périple semble loin d’être terminé.

Même en l’absence d’intérêt particulier pour les histoires d’attachements canins, on est étrangement happé par le film qui ne se veut ni justification ni condamnation mais simple constatation d’une solitude silencieusement exacerbée.

Ana Kaschcett

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