La Maison Nucingen

de Raoul Ruiz


Libre adaptation du roman éponyme d'Honoré de Balzac écrit en 1837, La maison Nucingen est un ovni cinématographique réalisé par Raoul Ruiz, cinéaste mais aussi écrivain. Lubie, caprice ou dérapage contrôlé ? Cette énième production filmique ne cesse d’interloquer qui la regarde…

Cinéaste en marge, à l’imaginaire nourri dès sa plus tendre enfance par Kafka et Poe, Raoul Ruiz est connu pour avoir réalisé un nombre impressionnant de films… invisibles (la plupart non commercialisés). Serge Toubiana, autrefois rédacteur en chef des Cahiers du Cinéma, aujourd’hui directeur de la Cinémathèque Française, écrivait à son propos dans Le cas Ruiz en 1983 « Le cinéaste le plus prolifique de notre époque, celui dont la filmographie est presque impossible à établir tellement est diverse, éclatée, multiforme sa production depuis une vingtaine d’années ». Simultanément, le critique Charles Tesson intitulait l’un de ses articles « Un cauchemar didactique (ou la tentative hardie d’établir une bio-filmographie de Raoul Ruiz) ». Un réalisateur des plus insaisissables, donc.

Depuis quelques années, Raoul Ruiz revient peu à peu vers ses origines chiliennes, renouant avec ses racines.

De fait, l'intrigue de La maison Nucingen se déroule au Chili, plus précisément en Patagonie, dans un immense demeure où s'installe un couple, contraint désormais de cohabiter avec de curieux énergumènes, mais aussi bon nombre de présences fantomatiques...

En effet, un esprit règne dans ce manoir : celui de Léonore, jeune femme disparue accidentellement. C’est elle, lien en toile d’araignée, qui va tisser les relations entre les divers personnages et niveaux de réalité.

Dès les premières images de piètre qualité, l'on est d'emblée plongés dans un huis clos des plus étranges, hasardeux voire scabreux.

Les acteurs surjouent, les jeux de caméra sont évidents et répétitifs, les éclairages forcés à la manière d’un feuilleton télévisé et les effets spéciaux ne manquent pas de faire sourire le spectateur ; on est en voie de se demander si l’on ne se trouverait pas face à l’une des dernières pépites de série B.

Cependant, le décorum est d'un charme indéniable et certains plans panoramiques d'une beauté à couper le souffle.

Ces maigres consolations esthétiques agrémentées d'une intrigue farfelue au possible constituent un évident pied-de-nez aux structures formatées des productions filmiques actuelles.

Un film hors du commun, duquel l'on ressort alourdi par les erreurs plurielles, les longueurs et bizarreries qu'il contient, abasourdi par tant d'amateurisme de la part d'un réalisateur qui n'est pourtant pas en début de carrière, mais également surpris par l'audace de ces nombreuses minutes passées enfermés dans ce cabinet de curiosités.

Laure Giroir


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