La Terre de la Folie

de Luc Moullet

Le dernier film en date de Luc Moullet a profité du dernier jour de la rétrospective qui lui été consacré à Beaubourg, et de sa sélection à la Quinzaine des Réalisateurs. Pas sûr cependant qu'il sortira beaucoup plus : le sujet est peu propice à attirer les foules, et le film, à la frontière (on sait depuis Les Contrebandières à quel point cette notion est fluctuante chez Moullet) entre l'absurde, le documentaire, la fiction, la reconstitution historique et le gore, est volontairement destiné à être atypique. Moullet n'a jamais particulièrement recherché l'adhésion du plus grand nombre, et a toujour clamé son indépendance (d'esprit) : à partir du moment où Digne (si si, c'est une ville) devient la capitale de la France, forcément...

Car géographiquement, « la terre de la folie » est située autour de Digne (Alpes-de-Haute-Provence : vous voyez Marseille ? Grenoble ? Le vide entre les deux ? C'est là). Le réalisateur est originaire de ce « pentagone de la folie » délimité avec précision grâce à des punaises plantées dans une carte IGN. Il n'est lui-même pas très sûr de sa santé mentale, et a des antécédents familiaux. D'où son enquête, pour laquelle il s'agit d'interroger des gens sur les différents meurtres ayant eu lieu sans raison déterminée, et étant donc imputables à la folie – laquelle, à mesure que le film progresse, semble devenir inhérente au lieu.

Les explications données sont multiples : l'hôpital psychatrique n'est pas loin, depuis que notre président n'a pas de fille internée les crédits ont baissé et les malades n'ont qu'à prendre leurs traitements eux-mêmes, le vent souffle trop, la solitude égare, la haine permet de survivre en ces montagnes hostiles, le manque de sel créé des pathologies, la radioactivité a contaminé les champignons, la malnutrition a des effets néfastes, etc, etc.

Les témoignages font état de crimes plus horribles les uns que les autres (de la jeune fille découpée par son père, au meutre à coups de pioche d'un garde-champêtre, avec en prime le maire et sa femme, en passant pas les multiples immolations par le feu), et en deviennent absurdes à force de détails. Moullet ne se prive pas d'ajouter l'absurdité de ses propres témoignages supposés être récapitulatifs, et des reconstitutions grossières qu'un étudiants de cinéma n'oserait pas faire, de peur d'être trucidé par son prof. La précision de la localisation géographique ainsi que les multiples témoignages se portent garants de la réalité des faits (allant indifférement du début du 20ème siècle à nos jours). Donc on rigole, parce que c'est trop – mais on n'est pas si a l'aise que ça d'avoir rigolé, parce que c'est horrible... De toute façon, tous ceux qui sont issus du pentagone sont foutus : c'est le droit du sol. Y'a qu'à voir les films de Moullet.

Piera Simon

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