Les Beaux Gosses

De Riad Satouff

L’affiche des Beaux Gosses, magnifiquement constellée d’impureté acnéique, dévoile un bel échantillon des figures ingrates de l’adolescence qui ont été l’apanage de tout bon teenager mal dans sa peau. Contre-pied ironique à cette société hygiénique qui aime se mirer en surface et sur le lisse des miroirs, elle s’expose comme un superbe doigt d’honneur au jeunisme brillant et surtout comme l’image surprenante d’une comédie franche, drôle et savoureusement colorée.

Riad Satouff est un dessinateur de bande dessinée bien connu des amateurs du genre et des lecteurs de Charlie Hebdo pour ses vignettes dévoilant la Vie secrète des Jeunes. Il y dessine des scènes attrapées dans le métro parisien où les jeunes parlent cul, religion, embrouilles et galères. Avec la généreuse acuité qu’on lui connaît pour cerner les travers de cet âge de la maladresse, de la vantardise mais surtout ce sentiment d’incompréhension mutuelle, le cinéaste semble être un observateur bien plus aigu qu’un ridicule reportage diffusé sur M6. L’idée a alors germé dans la tête du dessinateur d’en faire un long et d’imaginer une année scolaire dans un lycée de proche banlieue.

Hervé est donc un ado comme la France en fait plein. Parents divorcés, mère castratrice, démarche gauche et sourire métallisé, Hervé est bien plus intéressé par les filles que les déclamations poético- glauques de son prof de français gay. Avec son pote beur Camel, coupe mulet et amateur de hard rock, les deux ado forment un duo travaillé par l’éclosion de fantasmes sexuels dépensés sur les pages soutif de La Redoute et par des regards obliques en direction des tenues sportives de leurs camarades de classe. La frustration adolescente, de la première pelle roulée jusqu’à l’appréhension du passage à l’acte, anime alors chaque recoin de l’image et galvanise tous les dessous du film. Mais à cause de leur déviance verbale et physique, les deux lycéens sont considérés par la frange populaire de la classe comme des loosers à qui l’on ne doit pas parler et surtout pas se montrer. Violence subie des mots et des coups, la comédie de Satouff sait aussi saisir la cruauté inconsciente et exacerbée des comportements juvéniles.

Au-delà de cela, c’est l’écriture des dialogues qui fait bel et bien la force des Beaux Gosses, car ils fusent comme des pépites d’humour puéril et de drôleries sarcastiques. L’affront se fait le plus souvent verbalement, chaque tribu répète les mêmes codes de langage et l’on se tire des pires galères par des mots balbutiés et improvisés. Le casting est bon, les ados jouent parfaitement bien leur propre rôle et mention spéciale à Noémie Lvovsky en mère tendre et insupportable. Pas de bal de fin d’année ni de rêve à l’américaine ici, on est face à une France bien sympathique et un film tout aussi vériste qu’Entre les murs. En plus chaleureux et bien moins grave. Et que l’on ne me parle pas de portiques de sécurité ni de brigades d’intervention…

Romain Genissel


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